sábado, 20 de outubro de 2012

Béchir Ben Aissa - " LA RONDE DE NUIT, DE REMBRANDT À MODIANO"


''La Ronde de nuit''(1969) traite de l'Occupation et des exactions commises par les gestapistes français. La présence des références artistiques dans le roman éclaire une des facettes de la situation historique de cette époque. De nombreuses toiles de maîtres tels Sebastiano Del Piombo et Franz Hals ont été volées dans les maisons abandonnées. La mystification et l'infamie de l'époque n'ont pas épargné les chefs-d'oeuvre de l'art. Le récit en porte, à sa manière, les stigmates. Le narrateur qui est un agent-double a un double pseudonyme : ''Swing Troubadour'' et ''la princesse Lamballe''. Il attribue à Goya un tableau qu'il n'a jamais peint. Il aurait pour sujet l'assassinat de la princesse Lamballe. Le tableau dont il fait la description s'intitule, en vérité, ''L'Enterrement de la Sardine''. Le dédoublement dégradant et le ''détournement'' identitaire du personnage atteignent, dans le récit, l'oeuvre d'art de Goya.
Nous avons tenté, dans un premier temps, d'identifier les points de convergence du romanet du tableau et réfléchir, ensuite, sur le travestissement subi par le tableau.
L'esthétique de Goya et celle de Modiano se teintent de la noirceur hallucinatoire des affres de la guerre. Nous avons tenté d'expliquer la fonction, à la fois, dramatique et parodique de la présence-absence de la toile de Goya. En revanche, Rembrandt ainsi que son oeuvre ne sont pas cités. Seul le titre rappelle, explicitement, son oeuvre. La visée du roman est essentiellement subversive. La conception très officielle du ''décorum'' est tournée en dérision. Le clair/obscur participe dans le roman de cette esthétique du harcèlement et de l'encerclement. Il couvre la ronde sinistre des persécuteurs. La ronde de nuit ''picturale'' se travestit en une ronde de nuit policière. L'oeuvre de Rembrandt accomplit sa descente dans les bas-fonds sordides de la capitale occupée et cesse d'être l'Épopée fameuse pour devenir l'épopée infâme des Miliciens. Le roman peut être lu, de ce point de vue, comme un lieu de confrontation entre deux moments, deux cultures, deux systèmes de valeurs, deux conceptions de la représentation. Il soumet l'interprétation du tableau aux contingences de l'Occupation. Il se l'approprie comme un tribut de guerre, à l'image du narrateur qui s'empare des biens d'autrui."

''La Ronde de nuit : De Rembrandt à Modiano''
La lecture, dans son acception la plus large, est un acte culturel dont les modalités varient avec les époques et les sociétés. Sa visée ne se limite pas toujours à identifier dans l'oeuvre des points d'ancrage indéniables du sens et à se conformer à son intention signifiante.
Certaines lectures rompent avec le processus interactif qui anime le jeu dialogique avec l'oeuvre pour lui substituer un monologue révélant plus les hantises du lecteur que celles du créateur.
Dans le livre Rembrandt le maître de Jules Langbehn  (1851-1907)3, Rembrandt apparaît comme l'éducateur du peuple allemand offrant un art véritablement nordique pénétré par sa ferveur nationale. Langbehn a été parmi les premiers à utiliser des termes comme ''pureté de la race'',''patriotisme incorruptible'' et ''dégénérescence''. Il n'étudia pas objectivement l'artiste et son oeuvre, mais, en propageant cette vision un peu trop personnelle de Rembrandt, il lançait des idées dont les nazis devraient s'emparer plus tard.  Le désir ou plutôt le délire interprétatif peut, également, donner lieu à des transferts et des réécritures exprimant, dans un registre totalement différent, ce qui a été conçu et représenté sous d'autres formes.
C'est probablement ce délire interprétatif qui aurait poussé Modiano, l'admirateur de Rembrandt et le romancier, à s'approprier symboliquement, l'oeuvre picturale de Rembrandt, La Ronde de nuit.  Nous tenterons, au cours de notre intervention, d'éclairer les motivations qui ont éveillé, chez le romancier, le désir de reprendre le titre de la toile de Rembrandt et d'en actualiser certains signes et figures. Chez Modiano, la reconnaissance se mêle à la dérision et la fascination à la parodie.
Il serait donc utile de retracer le parcours de l'oeuvre picturale dans cet espace intertextuel qu'elle doit désormais partager avec l'oeuvre romanesque.
 

Béchir Ben Aissa, Maître-assistant à l'Institut Supérieur des Langues, Tunis, Université de Carthage, citoyen Tunisien, Enseignant de l´Histoire de l´Art, Doctorat soutenu à 2000, Musicien, Écrivain, plus récente publication :''Les inflexions mystiques de la poésie agnostique de Jean Tardieu'' .

Nenhum comentário: